vendredi 1 août 2008

Formation des animatrices d'Honrar la Vida, La Roldos, Quito Norte.

Samedi 26 juillet.

L’équipe équatorienne du Collectif Artishow s’est rendue ce samedi aux petites heures du matin à Pisuli, fondation Honrar la Vida, pour y donner sa première formation de l’édition 2008. L’objectif de cette journée de 6h d’ateliers n’était pas de former des personnes-relais autonomes mais d’apporter en profondeur des informations claires et objectives afin que les travailleuses sociales de la fondation puissent à leur tour disséminer le savoir de façon informelle auprès des jeunes, de leurs parents et de leurs amis. C’était donc une charla “extended version”, dont le programme et les outils avaient été élaborés pour tenir en haleine l’auditoire tout au long de la journée.

Après avoir visionné le DVD pédagogique qui permet de briser la glace et de faire émerger rires et réflexions sur le sujet, les 27 éducatrices ( et non, pas d’hommes cette fois-ci non plus !) se sont réparties en trois groupes, travaillant chacun avec un binôme de formatrices. Au programme de la matinée tout d’abord, une « tempête de cerveaux » pour faire ressortir du DVD les idées-clés, les mots phares qui nous guideront pour la journée. Quatre thèmes seront traités : la question du genre, de la sexualité et des droits sexuels et reproductifs, puis les contraceptifs, une information sur le SIDA et les IST et enfin la pédagogie de l’éducation sexuelle.


Nous commençons donc avec un puzzle : faire correspondre des définitions avec des concepts-clés à clarifier avant de nous lancer plus avant : sexe et genre, sexualité et sensualité, relation sexuelle et masturbation, droits sexuels et droits reproductifs. Les femmes nous font remarquer que le machisme de la société sud-américaine et même le masochisme de nombreuses femmes, les laissent étroitement enfermées dans un carcan, qui se transmet de mères en filles et fils. La femme subit souvent les assauts de son mari, sans désir ni plaisir, ignorant qu’une sexualité épanouie puisse reposer sur l’écoute, le partage, la communication. Des notions importantes donc, à poser avant de rentrer dans les détails plus techniques. Car les droits supposent des devoirs, et donc des responsabilités vis-à-vis de sa sexualité. Se protéger et protéger l’autre des risques que sont les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles.


Nous voilà donc parti en terrain archi-connu : les contraceptifs. Et tout d’abord un exercice pour les lister et comprendre que chacun fait ses choix en fonction de critères différents : besoins, prix, accessibilité, facilité d’utilisation, mode d’action... La notion de « critère » n’est pas bien comprise, nous devons donner des exemples et revoir la formulation pour la prochaine fois. Mais nous arrivons à montrer ce que nous voulions : nous ne pouvons pas choisir pour les autres et c’est pourquoi une information complète, claire et sans jugement sur les contraceptifs est nécessaire pour conseiller ses proches. Bien... Nous profitons des nombreuses questions pour expliquer plus en détail le mode de fonctionnement des contraceptifs hormonaux (pilule, patch, anneau, injection, stérilet avec hormones) en nous appuyant sur les planches anatomiques du cycle menstruel et de l’appareil génital féminin. Les injections hormonales sont un moyen de contraception très répandu ici. L’injection d’une dose d’hormones équivalente à celle ingérée en prenant la pilule s’effectue souvent directement chez le pharmacien. Accessible et peu coûteuse, elle permet aux femmes d’être tranquilles pendant 1, 3 ou 6 mois, sans risquer l’oubli de pilule. Mais les doses injectées sont fortes et certaines se plaignent de maux de tête et de prise de poids. Nous passons ensuite au stérilet, très répandu également sous le nom de « T ». Le principe d’un objet inséré dans l’utérus effraie, mais les explications rassurent. Nous n’échappons pas au mythe du bébé né avec le stérilet sur le front, et qui garde la marque du T toute sa vie... Strictement impossible mais les croyances ont la vie dure... Et pour clôturer la matinée, nous finissons par un jeu de Vrai/Faux sur les contraceptifs, réussi haut la main par les participantes !

Le déjeuner se fait attendre mais il en valait la peine : caldo de pollo (soupe de poulet) puis poulet frit, salade et riz, arrosés d’un jugo de mora (jus de mûres) qui auront raison de nos appétits aiguisés par autant de concentration matinale.

Nous reprenons donc avec un jeu participatif, pour éviter l’ambiance siesteuse... Par binôme, les participantes devront nous présenter soit le préservatif féminin soit le masculin, aidées du livret d’information que nous distribuons normalement en fin de charla. Toutes se débrouillent très bien, mettant même en scène la démonstration... Deux amies se font des confidences ou bien une pharmacienne consciencieuse prend le temps de l’explication avec une cliente. Eclats de rire au rendez-vous, mais nous nous assurons que les principes de base sont compris.



Il est temps de passer au SIDA et aux IST. Les participantes doivent classer une série de phrases concernant le SIDA en « Mythes » ou « Vérités », ce qui nous permet d’aborder les phases de la maladie, ses modes de transmission et de non-transmission. Leurs connaissances sont déjà solides en la matière et nous abordons également les autres IST pour insister sur l’importance de se protéger avec un préservatif. Question d’une éducatrice : comment savoir si quelqu’un a le SIDA ? Elle travaille avec un enfant qu’elle suspecte d’être contaminé, mais sa mère refuse de lui faire passer le test. Encore trop de tabous sur le sujet…
Enfin, nous désirons creuser la réflexion sur la pédagogie : comment faire passer les informations sur l’éducation sexuelle et la santé reproductive lorsqu’il s’agit d’un tel tabou dans les familles et les quartiers ? Comment en parler aux jeunes, à ses enfants ? Que dire et à quel âge ? Mais le temps presse, et nous passons aux jeux de rôle, après quelques minutes de préparation, en binôme toujours. Premier scenario : Une jeune fille de 15 ans apprend à sa mère qu’elle a un « novio ». La mère, soucieuse de l’avenir et de l’équilibre de sa fille, la sensibilise aux moyens de se protéger... Contre toute attente, et sous les rires qui fusent, nous avons à faire à deux actrices hors pair, qui rendent extrêmement vivante cette saynète improvisée. Deuxième scenario : identique avec une mère et son fils cette fois. Le même enthousiasme anime les participantes et la « mère », sans que cela fasse partie des consignes, entreprend de déballer un préservatif pour en montrer l’utilisation à son « fils ». Nous sommes ravies de voir que l’objet est apprivoisé, le mode d’emploi maîtrisé et nous sommes sûres que Susana (l’actrice-démonstratrice) saura en temps voulu faire passer toutes ces informations à son petit Joao (qui n’a pas manqué d’animer l’atelier d’intempestives galipettes et autres courses poursuites avec sa sœur...). Dernier groupe pour finir, car le temps commence à se faire long... Un couple discute de sa sexualité : il s’agit de Lucia et de Patricio qui nous a rejoints en cours d’atelier, célébrissime acteur du DVD pédagogique, incarnant à la fois l’ami conseiller, connaisseur des choses du latex et le médecin spécialiste de la contraception. Il veut arrêter d’utiliser les préservatifs, elle ne souhaite pas prendre la pilule... Cruel dilemme dont nos deux acteurs se sortiront plutôt bien.

L’heure est au questionnaire d’évaluation de la formation, moment délicat... Avons-nous bien travaillé ? Fait passer les notions essentielles ? Et bien oui, le résultat est encourageant. Les participantes, malgré la durée et le volume d’information importants de l’atelier, en redemandent. Plus de charlas, plus d’informations sur les IST.

Nous clôturons la journée en séance plénière pour remercier les participantes, coordinatrices et... la cuisinière ! Quelques volontaires sont motivées pour creuser encore le sujet et participer à une formation complémentaire afin de devenir personne-relais... Mission accomplie !


Nous reprenons rapidement le chemin du centre ville, épuisées mais ravies d’une journée aussi riche en surprises et en confidences!
Anne-Sophie Bouru.

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Vous touverez dans ce blog les récits des interventions d'éducation sexuelle, de prévention du Sida et des grossesses précoces réalisées en Equateur par prevenSud au cours de la mise en place d'un réseau d'éducation sexuelle.